A propos

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À propos de la lumière…

Les yeux,

Une envie d’approcher plus encore

La peinture de Patrice Jacquemin

C’est une lente progression s’ouvrant aux grands espaces où la matière si infime, si intense, se bouscule, se confond en sensation. On est submergé d’une singulière émotion sous l’effet d’un mirage si ténu qu’à peine saisi, il vous échappe déjà. Cette envie de désir absolu ou tout serait possible, se rattache à l’indicible luminosité d’un long silence qui peut cacher la raison d’un autre amour… Hypnotique celui-là, l’amour d’une forme visuelle visant à rendre cette chose plus précieuse encore, plus vivante.

Cette beauté sur la toile est loin d’être figée, elle ne peut-être qu’aventureuse et d’une telle persistance rétinienne qu’elle devient Sienne, Mienne, Votre à la fois, toujours plus intime.

Nicolas Bexon

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Un peintre du dialogue et de l’indicible

Avant de dessiner un bambou
Laissez-le croître d’abord en vous

Su Shi
Alors qu’il vient de réaliser quinze « fenêtres » pour la Chapelle de Baillarguet, un lieu vivant, vibrant, avec lequel il est entré en résonance profonde, Patrice Jacquemin nous parle de son travail et de sa démarche de peintre. Voici quelques mots qui jalonnent le cheminement de cet artiste engagé dans une recherche existentielle, et au sens le plus ouvert, spirituelle. En l’écoutant nous avons souvent pensé à un autre homme qui porte le dialogue des cultures, le poète et calligraphe François Cheng.

Paysages
Depuis toujours,Patrice Jacquemin aime les grands espaces, la mer, la montagne. C’est un voyageur. Un homme de paysages.

Il dit : J’ai éloigné mes écrans d’ordinateurs et j’ai pris des pinceaux- des petits pinceaux- et j’ai commencé à faire des dessins -très petits- et c’étaient de dessins de paysages. Peu à peu les pinceaux et les paysages ont grandi.

Ainsi a commencé pour lui une vie nouvelle, une vie consacrée à une recherche de l’essentiel par la peinture. Ou comment dire l’indicible.

Mais il n’ est pas né de la dernière pluie. Diplômé de l’Ecole des BeauxArts d’Epinal, il a consacré les premières années de sa vie professionnelle au graphisme, et il s’est particulièrement intéressé aux liens entre la gravure des caractères typographiques et celle des textiles. Il dit : C’est surtout l’envie de peindre des paysages, de façon presque abstraite, qui m’a emmené vers la peinture et notamment la peinture taoïste.

Dialogue
est un mot sésame pour lui. Il rencontre des artistes avec lesquels sa peinture trouve des échos. Il crée des passerelles entre les les cultures,
les artistes et les oeuvres. Il découvre la peinture chinoise en même temps qu’il redécouvre l’abstraction et la couleur dans la peinture occidentale contemporaine.

Il dit : Il fallait jeter des ponts, entrer dans le dialogue des cultures, oser des croisements. Je me sens autant occidental qu’asiatique dans ma peinture.

Il nomme ses affinités et affiliations artistiques : Pollock, Sam Francis, Soulages, Zao Wou-Ki, Chu Teh Chun, Olivier Debré. Et bien sûr Shitao, le peintre chinois du dix-septième siècle.

Il cherche aussi le dialogue avec ses pairs, des artistes avec lesquels il tisse des liens et réalise des expositions croisées. Comme à la chapelle où il expose avec l’artiste céramiste, Mayo Cantrelle.

Le sens du geste
La question du geste en Occident et dans la peinture taoïste est fondamentale. Ainsi la manière dont on pose le pinceau, la sensation de légèreté au moment de faire le geste…

Il dit : C’est le moment où, dans le tir à l’arc l’esprit et la flèche ne sont plus qu’un le souffle. Le souffle du tireur devient celui de la flèche. La peinture devient alors l’engendrement d’un état qui tient d’un mouvement physique, mais surtout d’un mouvement de l’intérieur vers l’extérieur.

Il dit : c’est la feuille de l’arbre qui dirige le geste. Peindre, c’est faire le geste au moment juste, dans le souffle. Quand le geste est juste, il est universel.

Shitao

Je détiens l’unique trait de pinceau, et c’est pourquoi je peux embrasser le fond du paysage, les monts et les fleuves prennent forme par mes tracés.

Une écologie de l’art Il s’agit de replacer l’homme dans son environnement.

Il dit : la peinture c’est aussi un choix politique, un certain rapport à l’environnement qui exige d’utiliserdes matériaux écologiques : bois de peuplier, pigments naturels, peinture à la tempera, blanc d’oeuf…

L’homme n’est pas un être à part, une point d’épingle perdue dans l’immensité.Notre destin est lié à celui de l’univers et procède du même principe de création continue. A chaque instant l’homme se recrée comme pour la première fois.

François Cheng

Peinture taoïste

Il s’inscrit dans un courant artistique contemporain inspiré par la peinture chinoise taoïste.

Le Tao est un principe sans commencement ni fin, sans forme. C’est le souffle vital qui anime l’Univers.
L’idéal Taoïste est de se dépouiller de son moi pour se fondre dans le flux du souffle. Un peintre doit être l’instrument conscient de cette force vitale.

John Blofeld

Pour François Cheng : Un trait n’est pas une simple ligne, il est l’incarnation même du souffle. Le souffle vient de loin, traverse le corps depuis les pieds, m’ anime de bout en bout jusqu’à ce qu’il atteigne la pointe du pinceau.

J’aime atteindre à cet état où le corps cède à l’attraction céleste : le pinceau capte néanmoins sans faille l’émotion la plus fugitive

Et il ajoute : Au lieu de s’appuyer sur l’idée d’un achèvement par le plein, l’artiste chinois privilégie privilégie la création d’un espace d’accueil et de circulation qui intègre l’infini dans la finitude.

Il dit : Montrer ou ne pas montrer, être toujours à la frontière entre le figuré et le suggéré est une position étonnamment riche en peinture. Elle m’oblige à me demander à partir de quel geste je passe de la suggestion à la figuration. Le geste suffit pour évoquer l’arbre la montagne, nul besoin de cerner laforme de manière anatomique comme l’Occident. La matière picturale se libère alors de la forme représentée pour mieux servir les émotions du peintre.

Une dimension spirituelle

Il dit : J’ai toujours été bercé par la spiritualité, j’aime les musiques cisterciennes. Il y a un dialogue entre l’âme de la nature et l’âme de l’artiste. Pour que l’âme s’élève, il faut être dans le souffle, dans l’énergie qui traverse le souffle, être dans l’instant. Alors on est en communion avec l’espace, dans un état de méditation.

Quand le peintre chinois des hautes époques se mettait à peindre, il se recueillait dans le silence, concentrait son esprit et méditait. Il laissait les ennuis du quotidien se dissiper peu à peu ,et son esprit libéré, il faisait le vide en lui et combinait avec l’élan vital qui meut l’univers. En harmonie avec la nature, c’est elle qui guidait son pinceau, écrit René Laubies, un peintre également relié à la peinture taoïste.

Peindre pour la chapelle

Il dit : je me sentais bien dans la chapelle, c’est un lieu énergiquement fort.
La projection d’un vitrail de lumière sur le sol a été comme un message.

il dit : La lumière est une des parts les plus mystérieuses du monde et je suis captivé par des peintres qui sont en quête de ce mystère. Ce besoin de lumière, de vie à la surface du tableau a fini par modifier ma façon de travailler et m’a amené à associer encre et tempera. Ombre et lumière sont en vibration permanente. Et la forme de fenêtres fait référence à de tableaux de la Renaissance ou de la peinture hollandaise dont j’aime la lumière.
Ce lieu est croisement de résonances. Il s’est passé plein de petits miracles, tout s’est emboîté, tout s’est posé, tout est devenu juste.

Il s’agit de capter le rapport secret entre les choses et d’établir par là des relations entre l’homme et l’univers vivant dans un vaste réseau de signes. François Cheng

Il dit : j’avais le désir que la peinture permette d’entrer en contemplation.

Le triptyque qu’il offre à la la Chapelle est une très belle réalisation de ce désir.